David Powlison signe un petit livre sur un grand sujet: la sanctification. Concerné par ma propre marche chrétienne et par celle de ceux dont Dieu m’a confié la charge, j’ai accueilli avec joie les conseils de cet homme plein de sagesse.
La question que pose le livre est simple: comment Dieu change les gens? Powlison tend à explorer les moyens que Dieu emploie pour notre croissance spirituelle et notre sanctification – grandir à la ressemblance de Christ. Pour Powlison, devenir plus saint ne signifie pas devenir éthéré, comme un fantôme, et détaché des tempêtes de la vie. Cela signifie que nous devenons des êtres humains plus sages. Ainsi, la sanctification est ancrée dans la vie quotidienne. (p. 14)
La thèse du livre est la suivante: parce chaque situation et chaque personne sont différentes, on ne peut pas réduire la sanctification à une formule abstraite, applicable à chacun en tous temps. L’Esprit nous parle à travers l’Écriture de manière particulière et personnelle. (p. 15) L’exposé de Powlison est à la fois plus simple que ce qu’on pense et moins facile que ce qu’on croit. Paradoxalement, on en vient à découvrir que notre théorie est souvent plus complexe que ce que la Bible dit et notre pratique souvent plus simpliste que ce que la Bible décrit. Nous avons tendance à vouloir chercher la vérité, la discipline spirituelle, la chose à faire, ou l’expérience qui pourra tout débloquer. Mais tous ces raccourcis, qui commencent par « Juste… » ou « Tu n’as qu’à… » ne satisfont jamais les besoins. (pp. 23-26)
Pour Powlison, « le ministère déséquilibre la vérité pour être pertinente; la théologie rééquilibre la vérité pour être exhaustive. En d’autres termes, parce qu’on ne peut dire qu’une chose à la fois, une parole à propos doit être une parole choisie en se concentrant sur le besoin du moment. Et cette sélection crée une sorte de déséquilibre. Mais en prenant un peu de recul par rapport au besoin du moment, beaucoup de choses peuvent être dites, et ce cadre théologique plus large nous aide à maintenir l’équilibre. »
Nous ne pouvons (et ne devrions) pas tout dire en une fois. Nous ne devrions dire que ce qui est nécessaire, utile et pertinent pour cette personne, à ce moment là. C’est d’ailleurs la manière dont Jésus a rempli son ministère: à chacun il a choisi de pointer certaines choses au détriment d’autres choses; de déséquilibrer la vérité pour ne dire que ce qui était alors nécessaire. (p. 34)
D’un autre côté, nous avons besoin d’avoir une connaissance globale de l’Écriture. La théologie systématique et biblique nous aidera à connaitre tout ce que nous pourrions dire, même si nous ne pouvons dire qu’une chose à la fois. Une connaissance étendue de la Parole peut aussi nous montrer la manière dont l’Écriture applique une même vérité dans plusieurs situations différentes. Les différents contextes appellent différents messages et actions. Pour Powlison, cette connaissance globale nous gardera de l’exagération, de l’ignorance et de la généralisation. (p. 40-41)
Powlison pointe ensuite les dangers de préférer l’un à l’autre. En mettant l’accent uniquement sur le déséquilibre et l’expérience, on va glisser vers le piétisme et le risque du laxisme. En mettant l’accent uniquement sur le rééquilibrage et sur la vérité, on risque de glisser vers le moralisme et le risque du légalisme.
Comme déjà relevé par Stéphane, les changements apparaissent sous l’influence de cinq facteurs: Dieu, l’Écriture, les personnes que nous fréquentons, les circonstances de la vie et le cœur humain. Chacun de ces facteurs contribue à notre sanctification et ensemble, ils contribuent à notre croissance. Prendre en compte les relations entre ces différents facteurs nous aide à ne pas simplifier ou compliquer les choses à l’excès.
Les chapitres suivants racontent comment ces moyens différents ont été à l’œuvre dans la vie de l’auteur et d’autres personnes. Powlison se sert d’histoires pour montrer les spécificités de la sanctification et comment Dieu nous rencontre chacun différemment.
Ces dynamiques du changement sont un processus; il cite Martin Luther:
Cette vie n’est donc pas justice mais croissance dans la justice, pas guéri mais guérison, pas être mais devenir, pas repos mais exercice. Nous ne sommes pas encore ce que nous devrions être, mais nous nous en approchons. Le processus n’est pas encore fini mais en cours. Ce n’est pas la fin mais le chemin. Tout ne brille pas encore dans la gloire mais tout est en train d’être purifié.
La position chrétienne, dit Powlison, définit le bien et le mal, met des barrières, des conditions et fixe des buts et peut être relativement ordonnée. Mais le processus chrétien lutte au milieu de beaucoup de variables, de contingences et d’incertitudes.
Dans notre union avec Christ, Dieu travaille par son Esprit, à travers sa Parole et la sagesse de ceux qui nous entourent, pour nous faire avancer toujours plus sur notre chemin de la sanctification.
J’ai lu ce livre alors que je traversais une situation pastoralement compliquée à l’Église. Dieu s’est servi du livre, d’un frère et de son Esprit pour me montrer mon péché et mes manquements dans mon accompagnement pastoral. En fait, je m’attachais plus à la situation qu’aux personnes. Plus à la théologie définie qu’appliquée. Je voulais tellement que les choses soient justes que j’oubliais que je devais veiller à la croissance de ces personnes. J’avais oublié d’être attentif à ce que Dieu faisait dans la vie de ceux que j’accompagnais. Je n’ai pas accueilli avec assez de joie le chemin parcouru, me focalisant sur la distance encore à parcourir.
Le livre de Powlison m’a rappelé qu’il n’y a pas de raccourci. Que le péché tort et déforme tout. Et que le travail pastoral demande du temps.
« Le ministère produit du courant en connectant quelque chose à quelqu’un plutôt qu’en essayant de dire tout à personne en particulier. Attention aux théologiens et aux enseignants! » (p. 42) Cet avertissement a retenti très fort chez moi. J’ai remarqué que mon approche manquait de souplesse et que la vérité ne touche pas les gens juste parce qu’elle est juste. Dire ce qu’il faut quand il faut requiert que j’aie un éventail plus large que ce que je vais dire, mais également que je choisisse une chose plutôt qu’une autre. Celle qui sera adaptée. En priant que Dieu agisse par sa Parole et son Esprit.
Comme Stéphane l’a déjà souligné, notre ministère pastoral s’inscrit dans différents moyens que Dieu emploie pour changer nos cœurs. Ce que je vais dire à un frère ou une sœur ne sera pas tout ce qu’elle doit entendre. Mon ministère et sa sanctification s’inscrivent dans un cadre qui dépasse mes compétences et mon emploi du temps.
Je peux être confiant que Dieu m’utilise, mais que la sanctification ne dépend pas in fine de moi. Penser le contraire est à la fois la marque de mon orgueil et le plus sûr chemin vers le découragement.
Enfin, ce livre alimente une réflexion que j’ai depuis plusieurs mois. On fait souvent rimer discipulat avec un-à-un. Cette tendance est peut-être à la fois la réponse à un besoin de relation d’aide, le constat que les relations interpersonnelles sont indispensables et la marque de voir des disciples se multiplier. Mais à trop vouloir tirer d’un côté, j’ai peur qu’on en oublie la dimension communautaire. C’est l’Église qui fait des disciples. Ensemble.
Ce livre, avec Côte à côte, sont les bienvenus dans nos Églises. Ils sont autant d’outils qui nous aident à grandir ensemble, à la ressemblance de Christ.
Ce livre m’a fait du bien. Il m’a rappelé à la fois que la vie est dure, que le péché est horrible, et que Dieu est puissant. Oui, la sanctification est à la fois plus simple que ce qu’on pense et moins facile que ce qu’on croit. Mais Dieu est à l’œuvre. En nous et par nous.
David Powlison, How Does Sanctification Work?, Crossway, 2017
webinaire
"Dis pasteur, comment on fait des disciples?"
Découvre le replay du webinaire de Raphaël Charrier enregistré le 9 Décembre 2021. Raphaël Charrier t’aidera à comprendre ce qu’est un disciple selon la Bible, et te donnera des pistes concrètes pour aider un frère ou une sœur à ressembler d’avantage à Jésus-Christ.
Orateurs
R. Charrier