C'est quoi la marque de la bête ?

Textes difficilesApocalypse

Jean voit une bête qui sort de la mer, appelée par le dragon sur la plage (12.17). Pour les Hébreux, la mer représentait le chaos, le danger, le mal (voir commentaire à propos de 21.1).

Commence par relire le 13e chapitre du livre de l’Apocalypse

Apocalypse 13

Et il se tint sur le sable de la mer. Puis je vis monter de la mer une bête qui avait dix cornes et sept têtes, et sur ses cornes dix diadèmes, et sur ses têtes des noms de blasphème. La bête que je vis était semblable à un léopard; ses pieds étaient comme ceux d’un ours, et sa gueule comme une gueule de lion. Le dragon lui donna sa puissance, et son trône, et une grande autorité. Et je vis l’une de ses têtes comme blessée à mort; mais sa blessure mortelle fut guérie. Et toute la terre était dans l’admiration derrière la bête. Et ils adorèrent le dragon, parce qu’il avait donné l’autorité à la bête; ils adorèrent la bête, en disant: Qui est semblable à la bête, et qui peut combattre contre elle? Et il lui fut donné une bouche qui proférait des paroles arrogantes et des blasphèmes; et il lui fut donné le pouvoir d’agir pendant quarante-deux mois. Et elle ouvrit sa bouche pour proférer des blasphèmes contre Dieu, pour blasphémer son nom, et son tabernacle, et ceux qui habitent dans le ciel. Et il lui fut donné de faire la guerre aux saints, et de les vaincre. Et il lui fut donné autorité sur toute tribu, tout peuple, toute langue, et toute nation. Et tous les habitants de la terre l’adoreront, ceux dont le nom n’a pas été écrit dès la fondation du monde dans le livre de vie de l’agneau qui a été immolé. Si quelqu’un a des oreilles, qu’il entende!10  Si quelqu’un mène en captivité, il ira en captivité; si quelqu’un tue par l’épée, il faut qu’il soit tué par l’épée. C’est ici la persévérance et la foi des saints.11  Puis je vis monter de la terre une autre bête, qui avait deux cornes semblables à celles d’un agneau, et qui parlait comme un dragon.12  Elle exerçait toute l’autorité de la première bête en sa présence, et elle faisait que la terre et ses habitants adoraient la première bête, dont la blessure mortelle avait été guérie.13  Elle opérait de grands prodiges, même jusqu’à faire descendre du feu du ciel sur la terre, à la vue des hommes.14  Et elle séduisait les habitants de la terre par les prodiges qu’il lui était donné d’opérer en présence de la bête, disant aux habitants de la terre de faire une image à la bête qui avait la blessure de l’épée et qui vivait.15  Et il lui fut donné d’animer l’image de la bête, afin que l’image de la bête parlât, et qu’elle fît que tous ceux qui n’adoreraient pas l’image de la bête fussent tués.16  Et elle fit que tous, petits et grands, riches et pauvres, libres et esclaves, reçussent une marque sur leur main droite ou sur leur front,17  et que personne ne pût acheter ni vendre, sans avoir la marque, le nom de la bête ou le nombre de son nom.18  C’est ici la sagesse. Que celui qui a de l’intelligence calcule le nombre de la bête. Car c’est un nombre d’homme, et son nombre est six cent soixante-six.aut qu’il soit tué par l’épée. C’est ici la persévérance et la foi des saints. »

Une grosse bête (1-7)

Verset 1

Jean voit une bête qui sort de la mer, appelée par le dragon sur la plage (12.17). Pour les Hébreux, la mer représentait le chaos, le danger, le mal (voir commentaire à propos de 21.1). La vision fait référence à Daniel 7.3, où Daniel voit « quatre grandes bêtes… sortant de la mer. » Pour Daniel, ces bêtes représentent de puissants empires ; pour Jean, il est aussi question d’un puissant empire, probablement l’Empire romain. Ce royaume surgissant de la mer n’est pas une belle organisation civile qui défendrait les droits de l’homme ; il s’agit plutôt d’une bête féroce et dévastatrice, qui fait pression sur ses citoyens.

La bête décrite ici est probablement la 4e des bêtes que Daniel a vues (Dn 7.7, 7.19, 7.23). La bête de l’Apocalypse est extrêmement puissante, car elle possède 10 cornes, avec 10 diadèmes sur les cornes (Ap 17.12, cf. Dn 7.20,24), symbole de grande autorité.

Elle a aussi 7 têtes, ce qui renforce également sa position d’autorité et de puissance. Le dragon avait lui-même déjà 7 têtes et 10 cornes (Ap 12.3), et il est clair qu’il a revêtu la bête de son autorité. Cette bête, avec ses cornes et ses diadèmes, est une parodie du Christ (cf. Ap 5.6, 19.12), à l’image du dragon. Les 7 têtes profèrent des noms blasphématoires, qui ressemblent peut-être aux prétentions romaines à la divinité (comme « Seigneur », « Fils de Dieu », « Sauveur », cf. aussi Ap 17.3). Ceci montre que la bête cherche réellement à se prendre pour Dieu.

Mais la bête ne se réduit pas à l’empire romain : elle fait aussi référence à toute manifestation démoniaque dans tous les gouvernements de l’histoire, mais également à la grande bataille finale.

Verset 2

La bête qui sort de la mer ressemble à un léopard, avec des pattes d’ours et une gueule de lion. Dans la vision de Daniel (les 4 bêtes), la première (Babylone) ressemblait à un lion aux ailes d’aigle (Dn 7.4), la deuxième (Médo-Perse) ressemblait à un ours (Dn 7.5) et la troisième (probablement la Grèce) à un léopard (Dn 7.6). Concernant la vision de Jean, c’est comme s’il voyait ces trois premières bêtes se fondre dans la quatrième bête de Daniel, et c’est celle-ci qu’il décrit ici (probablement Rome, cf. Dn 7.7, 7.19, 7.23). La bête n’est pas autonome, mais tire son autorité malfaisante du dragon ; son règne est par conséquent démoniaque (cf. 2 Th 2.8-9).

Verset 3

L’une des têtes de la bête a été atteinte d’une blessure mortelle, de laquelle elle a été soignée (cf. Ap 17.8). Beaucoup comprennent que cette tête désigne un individu en particulier, ce qui est tout à fait possible. Après la mort de Néron en 68 après J.-C., on s’est mis à raconter qu’il reviendrait (peut-être de Parthes) pour régner à nouveau ; il se peut que Jean ait eu cette légende en tête. Pourtant, si Jean a écrit l’Apocalypse dans les années 90 (datation la plus probable), cela rend difficile cette hypothèse, car Néron était mort depuis longtemps. Il est plus vraisemblable qu’on ait ici une référence à l’empire tout entier. La blessure mortelle désigne l’apparente destitution du pouvoir oppresseur. La domination romaine peut sembler détrônée et oubliée pour toujours, et pourtant elle n’est pas détruite. Alors qu’on pense que sa tyrannie prend fin, elle regagne du pouvoir. Son apparente mort n’a pas eu d’effet, et en réponse, le monde est encore plus impressionné par la bête et lui offre son allégeance ! Le renouveau d’un empire démoniaque est semblable à une résurrection, et, là encore, on voit que la bête parodie le Christ !

Verset 4

Le pouvoir de la bête et de son empire appellent l’adoration en faveur du dragon et de la bête. Le dragon est loué pour avoir accordé l’autorité à la bête. La bête est acclamée pour sa soi-disant résurrection. Elle est considérée comme incomparable et toute-puissante, comme Dieu (cf. Ex 15.11, Ps 89.7 [ou Ps 89.8 suivant les éditions]). Les gens adorent la bête, en croyant que rien ne peut lui résister ; comme on l’observe dans l’histoire, on a toujours tendance à se ranger derrière les gagnants et les forts.

Verset 5

Deux fois dans ce verset on voit ce qui « est donné » à la bête : une bouche pour proférer des paroles arrogantes, et une autorité de 42 mois. Cette mention « il lui fut donné » (edothè) apparaît encore quatre fois dans le même chapitre (Ap 13.7 [2 ×], Ap 13.14, 13.15).

En commentant Apocalypse 9.1, j’ai défendu que Dieu était, de façon implicite, celui qui était à l’œuvre dans toute cette construction. Bien que le dragon donne activement (edôken, Ap 13.2,4) son autorité à la bête, Dieu reste souverain sur ce que la bête peut faire, et lui donne l’autorisation d’exercer son autorité. Mais si Dieu ordonne ce que peut faire la bête, il n’a pas les mêmes motivations que Satan. Le jugement de Dieu est son « œuvre inouïe » (És 28.21), qui appelle les pécheurs à la repentance et à la vie (Éz 18.23,32), alors que Satan se réjouit quand les personnes sont détruites. Les choses secrètes appartiennent à l’Éternel (Dt 29.29), d’où notre difficulté à comprendre pleinement la relation logique entre la souveraineté de Dieu et la responsabilité humaine.

La bête est imbue d’elle-même, et prononce des paroles « arrogantes et blasphématoires » contre Dieu. Antiochos IV Épiphane a agi ainsi en son temps, comme une préfiguration de la bête à venir (cf. Dn 7.8,20, 11.36). Cela renvoie aussi au « fils de la perdition », qui s’auto-proclame Dieu (2 Th 2.3-4).

Son autorité est limitée à 42 mois. Certains comprennent cette durée de façon littérale : trois ans et demi avant le retour de Jésus. Mais il est plus probable que Jean décrive ici la période entière entre la première et la seconde venue de Jésus. En effet, Jean parle ici à ses lecteurs non pas d’une période dans un lointain futur, mais de l’impact de l’empire romain sur eux aujourd’hui. En fait, tous les gouvernements totalitaires, qui s’arrogent l’autorité divines, montrent qu’eux aussi sont la bête.

Verset 6

Jean insiste sur cette opposition entre la bête et Dieu, en s’inspirant particulièrement de Daniel. Comme au verset 5, la bête parle pour s’auto-acclamer et blasphémer Dieu et son nom. Elle suit les traces d’Antiochos IV Épiphane, de qui Daniel disait (Dn 7.25) : « Il prononcera des paroles contre le Très-Haut ». La prophétie de Daniel 11.36 est aussi accomplie : « il s’élèvera, il se glorifiera au-dessus de tous les dieux, et il dira des choses incroyables contre le Dieu des dieux. » La bête injurie encore l’habitation de Dieu, ceux qui habitent dans les cieux (cf Ap 12.12) : probablement une référence au peuple de Dieu (Ap 21.3), dont la vraie demeure est au ciel. Les actions de la bête s’accordent avec Daniel 7.25, où la bête s’oppose à Dieu et à son peuple. Avec ses prétentions divines, la bête abhorre tout ce qui révère le seul vrai Dieu vivant.

Verset 7

Nous voyons encore deux choses que Dieu a données (edothè) à la bête. Premièrement, Dieu lui a accordé de faire la guerre aux saints et de les vaincre. Cela ne sous-entend pas que les saints aient conjuré leur foi, mais que Dieu ait accordé à la bête de prendre leur vie (cf. Ap 2.13, 6.9-11, 16.6, 17.6, 18.24, 19.2, 20.4). Là encore, on suit le motif de Daniel, où Daniel dit à propos d’Antiochos IV Épiphane : « Cette corne fit la guerre aux saints, et l’emporta sur eux. » (Dn 7.21, cf. Dn 7.25). Deuxièmement, Dieu permet à la bête d’accéder à ses désirs pendant un certain temps, à savoir exercer l’autorité sur toute tribu, toute langue, tout peuple et toute nation. Nous voyons là aussi l’étendue du culte impérial et le caractère totalitaire du règne de la bête.

Le culte de la bête (8-15)

Verset 8

L’autorité de la bête et son règne recueillent l’admiration des habitants de la terre, et ils lui vouent un culte. Le verset semble dire que tous, sans exception, adorent la bête, mais la phrase « tous ceux qui habitent sur la terre » (pantes hoi katoikountes epi tès gès) est un terme technique dans l’Apocalypse pour désigner les non-croyants. Une telle compréhension est confirmée par la phrase suivante : les habitants de la terre n’ont pas leur nom écrit dans le livre de vie. Le livre de vie contient les noms de ceux qui ne périront pas dans l’étang de feu (cf. Dn 12.1, Ph 4.3, Ap 3.5, 17.8, 20.12,15, 21.27, 22.19). Ceux qui montrent allégeance à la bête démontrent donc ici qu’ils n’appartiennent tout simplement pas au seul vrai Dieu.

La plupart des traductions rendent « les noms ont été inscrits dès la fondation du monde dans le livre de vie. ». Jean dit quelque chose de similaire en Ap 17.8, où il parle des « habitants de la terre dont les noms n’ont pas été écrits dans le livre de vie dès la fondation du monde. Mais l’ordre des mots, en Ap 13.8, peut suggérer autre chose : « l’Agneau immolé dès la fondation du monde » (rendu ainsi par les traductions de type Segond). L’ordre des mots n’est pas déterminant et, au vu des parallèles, Jean parle probablement de ceux dont le nom a été inscrit dans le livre de vie avant que l’histoire commence. Après tout, la mort de Christ était bel et bien décidée avant que l’histoire commence. Mais c’est encore autre chose de dire qu’il a été immolé avant l’origine du monde ! Car l’Agneau a été mis à mort à un moment précis dans l’histoire, et non pas avant la fondation du monde. D’un autre côté, il est vrai que Dieu a décidé qui serait inscrit dans le livre de vie avant le début du monde.

Versets 9 et 10

Jean revient à la formule qu’il avait utilisée dans ses 7 lettres (Ap 2.7, 2.11, 2.17, 2.29, 3.6, 3.13, 3.22) : « Que ceux qui ont des oreilles entendent ! » Les lecteurs sont prévenus à l’avance de l’autorité de la bête et de sa persécution contre les chrétiens. Ils savent que les non-croyants voueront leur adoration à la bête. Ainsi, il s’agit d’être prêts. Certains sont destinés à la captivité, et iront en captivité. D’autres sont voués à l’épée, et périront par l’épée (cf. Jr 15.2, 43.11). Cela ne veut pas du tout dire que Dieu ait abandonné ni oublié les siens ; le pouvoir de la bête ne remet aucunement en question la souveraineté de Dieu, car, rappelons-nous, elle n’exerce son autorité que par la volonté de Dieu. Les croyants sont donc encouragés à persévérer et à rester fidèles à leur Seigneur, et ceci malgré la persécution et les difficultés.

Verset 11

Le paragraphe suivant (Ap 13.11-18) commence avec la vision d’une autre bête, venant de la terre. Cette autre bête est identifiée ailleurs comme le « faux prophète » (Ap 16.13, 19.20, 20.10). Cette 2e bête prétend ainsi parler de la part de Dieu ; elle symbolise l’autorité religieuse qui serait contraire à la Parole de Dieu. Si la première bête représente l’Empire romain, la seconde bête est fait probablement référence à la prêtrise impériale.

La malice de cette bête est visible : elle a deux cornes comme un agneau, et se présente ainsi en accord avec l’Agneau ; mais son discours est celui du dragon, révélant qu’elle est bel et bien démoniaque. Jésus lui-même avait averti que les faux prophètes viendraient « en vêtements de brebis », mais qu’au dedans d’eux, ils étaient des « loups dévorants » (Mt 7.15).

Verset 12

La deuxième bête est comme le troisième membre de la trinité déchue, qui fonctionne comme l’esprit déchu. Elle exerce l’autorité de la première bête en sa présence, en poussant les habitants de la terre (les non croyants) à adorer la bête. Les incroyants sont heureux de se soumettre, car la bête semble avoir des pouvoirs divins, capables de l’avoir relevée d’une blessure mortelle. La bête, en d’autres mots, défend sa propre notion de résurrection : là où le règne tyrannique semble anéanti, il renaît de ses cendres pour revenir en force.

Versets 13 et 14

La crédibilité de la seconde bête est renforcée par ses pouvoirs miraculeux (cf. Ap 16.14). En d’autres mots, la fausse religion semble se vérifier dans les faits. Comme Élie avait attiré le feu du ciel (1 R 18.38) pour défendre le vrai culte, les faux cultes eux aussi peuvent être confirmés par des signes et des miracles. Tant Jésus (Mt 24.24) que Paul (2 Th 2.9) avaient bien annoncé que des miracles accompagneraient les faux christs et les faux prophètes. De tels miracles mettent les croyants à l’épreuve, en révélant leur vrai attachement à l’Éternel (Dt 13.1-3).

Les signes trompent les habitants de la terre (c’est-à-dire les incroyants), en leur faisant croire que la bête est digne d’adoration et de louange. Du coup, les habitants de la terre se font des images de la bête. Les images étaient forgées pour le culte, et Jean nous rappelle encore une fois que la bête est adorée parce qu’elle semblait morte mais revenue à la vie. Cette «image » ne sous-entend pas qu’une image littérale de la bête ait été faite ; mais, dans le langage symbolique de l’Apocalypse, Jean veut simplement dire que la bête est vénérée. Le mot « qui vivait » (ezèsen) est employé ailleurs à propos de la résurrection du Christ (Rm 14.9, Ap 2.8) ; au pluriel (ils vivaient) (ezèsan), ce mot renvoie à la résurrection physique ou spirituelle des croyants (Ap 20.4-5). Les non-croyants adorent la bête pour son pouvoir de résurrection, car l’empire semblait mort, mais revient à la vie. La bête, encore une fois, est une parodie et une contrefaçon de Christ.

Verset 15

Nous voyons encore une fois que la seconde bête fonctionne comme le Saint-Esprit. Le Saint-Esprit est envoyé pour glorifier Jésus (Jn 16.14) et l’oindre de sa puissance (Lc 4.18-21) ; la deuxième bête honore et revêt de puissance la première. Quand Jean dit qu’il lui fut donné « d’animer l’image de la bête », il ne faut pas comprendre une venue au monde littérale. Mais il s’agit bien ici d’une deuxième bête qui revêt la première de puissance et la soutient dans ses entreprises.

Le discours de la première bête parait surnaturel, inspiré, revêtu d’autorité, convaincant : il parle en oracles. Mais il ne s’agit pas seulement d’un discours qui cherche à convaincre ; c’est un discours qui cherche à contraindre ! la coercition est le principe même du « ministère » de la deuxième bête, et ceux qui refusent d’adorer la première bête sont mis à mort. Pline a écrit à l’empereur Trajan (98–117 ap. J.-C.) en lui suggérant ce qu’il fallait faire avec les chrétiens : ne pas les punir s’ils sacrifient aux dieux (Epistulæ 10.96.5 LCL), mais s’ils refusent, les mettre à mort. Une telle allégeance était demandée également par Nabuchodonosor (Dn 3.5-6). Ceux qui se courbent devant la bête montrent qu’ils n’appartiennent pas au seul vrai Dieu (cf. Ap 14.9-11, 16.2, 19.20, 20.4).

La marque de la bête (v. 16-18)

Versets 16 et 17

La seconde bête renforce le pouvoir de la première d’une autre manière encore : par la discrimination économique. Peu importe sa classe sociale ou sa position dans la société, personne ne pourra acheter ni vendre quoi que ce soit sans avoir une marque sur son front ou sur sa main ; cette marque veut dire tout simplement qu’on adore la bête. Le nombre renvoie au nom de la bête (cf. Ap 14.11, 15.2). Beaucoup d’exégètes comprennent cela littéralement, comme si une vraie marque était en quelque sorte imprimée sur les fronts ou les mains ; mais le langage ici est plutôt symbolique. Tout comme le sceau sur le front des 144 000 (Ap 7.3) n’était pas littéral, cette marque ne doit pas non plus être comprise littéralement. Quoi qu’il en soit, les deux bêtes conspirent pour exclure les croyants de la place du marché.

Verset 18

Jean conclut cette section avec une mention qui a donné du grain à moudre à bien des générations d’exégètes ; il encourage ses lecteurs au discernement, pour qu’ils puissent calculer le nombre de la bête. On lit que ce nombre est un nombre d’homme : 666. Certains manuscrits lisent 616, mais la meilleure leçon est bien 666. Si le nombre se réfère à un individu en particulier, le meilleur candidat serait alors Néron. En effet, si on transcrit « Néron César » depuis le grec vers l’hébreu, les lettres font un total de 666 ; mais on est en droit de douter que les lecteurs de Jean aient pu interpréter une allusion si complexe !

Bien des spéculations sur l’identité d’une telle personne ont été avancées dans l’histoire, et toutes se sont trompées. L’avantage de voir ici une référence à Néron est qu’elle correspond à la période à laquelle Jean écrit : on craignait et spéculait alors pour savoir si Néron reviendrait à la vie depuis Parthes après sa mort. Mais malgré tout, il n’est pas si évident de repérer une référence à Néron ici, car, encore une fois, cela ne paraît pas très naturel de s’attendre à ce que les lecteurs de Jean transcrivent du grec vers l’hébreu. De plus, comme cela a déjà été relevé, si l’Apocalypse a été écrite dans les années 90, l’attente du retour de Néron s’était probablement bien dégonflée à cette époque. Il vaut peut-être mieux envisager une autre piste.

Le nombre 777 représente la perfection, mais Jean dit que 666 est un nombre d’homme. Le nombre 666, par conséquent, représente ce qui est anti-Dieu et anti-Christ, tout ce qui est en opposition au seul vrai Dieu. Si 777 représente la sainteté et la bonté parfaites, alors 666 signifie le mal dans toute son énormité et sa totalité. Ainsi, Jean ne pointerait pas une personne en particulier ici, mais appuierait l’idée que le royaume de la bête est un royaume uniquement humain, mauvais, et non pas un royaume divin. Car oui, la nature humaine loin de Dieu est démoniaque. Le royaume de la bête promet la vie et la prospérité ,mais apporte en réalité la mort, la misère et la dévastation.


Cet article est une adaptation du ESV Expository Commentary: Hebrews–Revelation, volume 12, édité par Iain M. Duguid, James M. Hamilton Jr, and Jay Sklar.

Merci à Cédric Jung pour la traduction de cet article.

Thomas R. Schreiner

Thomas R. Schreiner est Professeur d’interprétation du Nouveau Testament et de théologie biblique au Southern Baptist Theological Seminary où il est également doyen associé de la faculté de théologie.

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