C'est étonnant de lire un texte vieux de 500 ans sur les Évangiles et de voir qu'ils avaient déjà tout compris. C'est rassurant d'ailleurs. La prédication centrée sur l'Évangile n'a pas été inventée par Timothy Keller ou John Piper. Ça remonte à bien plus loin. En lisant un pamphlet de Martin Luther, j'ai été frappé par ses excellents conseils sur comment lire les Évangiles et quoi chercher dans son étude des textes.
Dans sa Petite instruction sur ce qu’on doit chercher dans les Évangiles et ce qu’on doit en attendre, il relève que Jésus-Christ est à la fois un modèle et un trésor. Ce second est de loin le plus important, comme il l’explique (les titres et sous-titres sont ma création):
« En second lieu, ne fais pas du Christ un Moïse, comme s’il ne faisait rien de plus qu’enseigner et donner des exemples, comme le font les autres saints; comme si l’Évangile était un manuel d’enseignement ou un code de lois. C’est pourquoi tu dois saisir Christ, sa parole, son œuvre et sa souffrance de deux manières. »
« En premier lieu comme un exemple qui t’est présenté, que tu dois suivre et imiter, ainsi que le dit Saint Pierre (1 Pierre 4): « Christ a souffert pour nous et nous a ainsi laissé un exemple. » Ainsi, lorsque tu vois qu’il a prié, jeûné, qu’il est venu en aide aux gens et leur a témoigné de l’amour, tu dois aussi le faire, pour toi et pour ton prochain, mais c’est là la partie la moins importante de L’Evangile, et cela ne peut suffire à justifier ce nom « d’Évangile » ; car de cette manière Christ ne t’est pas plus utile qu’un autre saint. Sa vie reste sa propriété et ne te secourt en aucune façon, et bref: cette façon de voir ne fait pas un chrétien, elle ne fait que des hypocrites; il faut que tu t’élèves bien plus haut; et quoique cette façon de prêcher soit de beaucoup la meilleure, elle n’a été que rarement pratiquée. »
« L’article principal et le fondement de l’Évangile, c’est que, avant de prendre Christ pour modèle, tu le reçoives et le reconnaisses comme un don et comme un cadeau qui t’a été octroyé par Dieu et qui t’appartient ; en sorte que, lorsque tu le vois ou tu l’entends faire ou souffrir quelque chose, tu ne doutes pas que lui-même, Christ, avec cette action ou cette souffrance, soit tien. Tu peux compter là-dessus comme si tu l’avais fait toi-même, bien plus: comme si tu étais toi-même le Christ. Vois, c’est là ce qui s’appelle avoir une juste connaissance de l’Évangile ; c’est la bonté débordante de Dieu, qu’aucun prophète, aucun apôtre, aucun ange n’a jamais pu exprimer, qu’aucun cœur n’a jamais pu suffisamment admirer et comprendre, c’est le feu ardent de l’amour de Dieu pour nous ; par là, le cœur et la conscience deviennent joyeux et satisfaits ; cela s’appelle prêcher la foi chrétienne. C’est pourquoi une telle prédication s’appelle « Évangile », ce qui signifie dans notre langue un bon message, joyeux et consolant ; et c’est à cause de ce message que les Apôtres sont appelés les Douze Messagers.
Esaïe dit à ce sujet (chapitre 9): « Un enfant nous est né, un fils nous est donné. » S’il nous est donné, il doit être nôtre. Nous devons donc aussi prendre soin de lui, comme du nôtre. Et dans Romains, chapitre 8: « Comment ne nous donnerait-il pas toutes choses avec son Fils? » Vois, si donc tu saisis le Christ qui t’est attribué en propre, et si tu n’en doutes pas, alors tu es un chrétien, ta foi te délivre du péché, de la mort et de l’enfer, elle fait que tu surmontes toutes choses. Ah! personne ne peut assez parler de cela. Telle est la chose lamentable: c’est qu’une telle prédication est passée sous silence dans le monde, et que pourtant l’Évangile est loué tous les jours.
Si donc tu possèdes le Christ comme le fondement et le principal trésor de ton salut, alors la seconde chose suit d’elle-même: c’est que tu le prennes aussi pour exemple et que tu t’adonnes au service de ton prochain, comme tu vois qu’il s’y est adonné. Vois: la foi et l’amour prennent alors leur essor, le commandement de Dieu est accompli, l’homme est prêt à faire et à souffrir toutes choses joyeusement et sans crainte. »
« Considère donc cela: Christ, considéré comme un don, nourrit ta foi et fait de toi un chrétien. Mais Christ considéré comme un exemple accomplit tes œuvres. Elles ne font pas de toi un chrétien, mais elles émanent de toi, à la condition que tu aies été auparavant fait chrétien. Autant donc il y a de différence entre le don et l’exemple, autant il y a d’éloignement entre la foi et les œuvres. La foi n’a rien qui lui appartienne en propre, mais seulement l’œuvre et la vie du Christ. Les œuvres tiennent quelque chose de toi, mais elles ne doivent pas t’appartenir, mais appartenir à ton prochain. »
Il y a tellement d’enseignements profonds dans ces quelques lignes! Relisons-les attentivement. Ces conseils de Luther mériteraient bien de devenir tout un chapitre dans un livre sur l’interprétation de la Bible.
Merci à ma petite sœur Laura Kapitaniuk pour la retranscription de cet extrait des pages 18-19 de Martin Luther, Œuvres tome 10, Genève, Labor et Fides, 1967.
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1h pour comprendre Matthieu
Cet épisode d’1h pour comprendre… de Matthieu Giralt et de Pascal Denault enregistré le 11 décembre 2019, te fait (re)découvrir les l’Evangile de Matthieu. Laisse-toi surprendre par la cohérence, la profondeur et la richesse de la Parole de Dieu. L’objectif, c’est que tu puisses comprendre l’ensemble pour mieux vivre l’essentiel.
Orateurs
P. Denault