L’ignorance de Dieu –tant l’ignorance de ses voies que celle de la communion avec lui– est pour une grande part responsable de la faiblesse de l’Église[…] La façon moderne d’en user avec Dieu est de le tenir à distance, sinon de le nier purement et simplement. Et le plus paradoxal dans tout cela, c’est de constater que les chrétiens modernes, tellement préoccupés de maintenir les pratiques religieuses dans un monde irréligieux, ont eux-mêmes accepté cette mise à l’écart de Dieu […] Les ecclésiastiques qui regardent Dieu par le mauvais bout de la lorgnette et qui, ce faisant, le réduisent aux proportions d’un Pygmée, ne peuvent espérer devenir autre chose que des chrétiens-pygmées.
Ainsi parlait James Packer, dans l’introduction de son best-seller Connaître Dieu. Que voulait-il dire par « tellement préoccupés de maintenir les pratiques religieuses »? Livres, articles de blog, conférences, stratégies d’évangélisation, bonnes prédications, formations de ministères contextualisés, programmes d’Église en tous genres: voilà des sujets nobles à ne pas négliger. Mais lorsqu’ils prennent la première place, de manière étrange, Dieu pourrait bien disparaître de nos vies. Nous devenons experts dans toutes sortes de domaines, mais nous restons des chrétiens pygmées. Nous recherchons des « applications concrètes », mais rien n’est moins concret qu’une forme allégée du christianisme.
L’avertissement de James Packer à ceux qui réduisent Dieu aux proportions d’un Pygmée aurait bien servi les Israélites en Égypte, comme nous aurons largement l’occasion d’en discuter. Les chapitres 1 et 2 ont planté le décor. Israël s’était multiplié, mais Israël s’était asservi. Vous noterez dans ces chapitres, là quasi-absence du nom de Dieu alors qu’il devient omniprésent à partir du chapitre 3.
En Exode 2.23, il est dit que le cri des Israélites était monté jusqu’à Dieu, mais rien ne nous indique que c’est vers Dieu qu’ils criaient. Pourtant, Dieu répond: « Je suis descendu » (Ex 3.8). Israël a peut-être oublié Dieu, mais Dieu n’a pas oublié les Israélites, et il va le faire savoir. Il va révéler son nom sur la terre.
De nos jours, les gens aiment se créer leur propre définition de Dieu. « Ah non, je ne suis pas religieux, mais je suis très spirituel »; ou encore: « Je pense que Dieu, c’est… » En fait, ils disent: « Personne ne m’imposera sa vision de Dieu. C’est moi qui décide à quoi il ou elle ressemble. J’ai ma propre idée à son sujet! ». Si les chrétiens croient être vaccinés contre ce genre d’affirmations, ils se trompent. Certains aspects du caractère de Dieu et certaines vérités bibliques nous dérangent et nous sommes parfois tentés de dire: « Je n’aime pas trop ça, je ne crois pas que Dieu soit comme ça… » Cela concerne parfois sa justice, sa souveraineté ou ses normes en matière de sexualité. Nous nous fabriquons un dieu à notre image qui devient un ours en peluche, un dieu qui répond à nos désirs, mais qui ne peut en aucun cas nous aider quand nous en avons besoin! Nous nous créons un dieu qui correspond à nos Préférences. Mais c’est se couper de la réalité. C’est comme dire: « Je préfère penser que les éléphants ont deux pattes ». C’est absurde! Ce qu’on pense n’a aucune importance et ne changera rien au fait que les éléphants ont quatre pattes.
De la même manière, ce que l’on veut bien croire au sujet de Dieu ne change en rien sa nature. Dieu n’est pas un concept malléable à souhait. Dieu est. Il est une réalité, la réalité ultime. « Je suis celui qui est » (v. 14). Dieu se définit lui-même. C’est lui qui détermine et déclare qui il est et ce qu’il fera, pas notre imagination. Quand nous sommes en présence du vrai Dieu, nous découvrons qu’il est à la fois plus terrifiant et plus aimant que nous n’aurions imaginé, infiniment plus que n’importe quel dieu de notre invention. À quoi ressemble Dieu? Qui est Dieu?
Moïse, parti à la recherche du troupeau de son beau-père, se retrouve dans le désert de l’Horeb (v. 1). Il y aperçoit soudain un buisson en feu (v. 2), qu’on appelle habituellement « le buisson ardent », mais qui, comme nous le savons, n’était pas en train de brûler! C’était « un buisson qui était tout embrasé et qui, pourtant, ne se consumait pas ». Le feu attire naturellement l’homme, et Moïse ne fait pas exception (v. 3). Pourtant, nous nous méfions aussi instinctivement des flammes et restons à bonne distance de peur qu’elles ne nous brûlent. Serait-ce la raison pour laquelle Dieu aurait pris cette forme? Pour souligner la nécessité de garder ses distances? C’est en tout cas un thème central du livre de l’Exode (voir par exemple Ex 19.10-13, 20-24).
Mais il y a plus surprenant encore que ce buisson qui ne brûle pas. Dieu appelle en effet son serviteur et lui dit: « Moïse ! Moïse! […] N’approche pas d’ici » (Ex 3.4-5). Moïse doit retirer ses sandales. La raison n’est pas claire. Il s’agissait peut-être de signaler une « terre sainte », du fait que Dieu s’y trouvait (v. 5). « Saint » signifie « différent » ou « autre ». Car Dieu n’est pas comme nous. Il est saint, glorieux et majestueux. Dieu se révèle ensuite en tant que Dieu. Jusqu’à présent, Moïse n’avait rencontré qu’un buisson qui parlait, mais désormais, il entend: « Je suis […] Dieu » (v. 6). Le premier réflexe de Moïse est de se cacher le visage, « car il craignait de regarder Dieu ». Un très bon réflexe, puisque, comme Dieu le lui dira au chapitre 33.20, « tu ne pourras pas voir ma face, car nul homme ne peut me voir et demeurer en vie ». Il y a bien d’autres choses à dire au sujet de Dieu, mais il faut garder en tête que son amour et sa grâce n’enlèvent rien à sa sainteté ni à sa gloire.
Dieu est terrifiant, dans le sens premier du terme, c’est-à-dire qu’il inspire la terreur, la crainte, l’effroi mêlé d’admiration. On ne le prend pas à la légère. Dieu n’est pas notre « copain ». Si nous nous trouvions face à Dieu, notre réaction immédiate serait assurément de nous couvrir le visage. Les glorieux séraphins, pourtant sans péché, se cachent le visage en présence de Dieu (Ésaïe 6.2)! Dieu est au-dessus de nous. En théologie, c’est ce qu’on appelle la « transcendance ».
Et pourtant… Notez bien ce que Dieu dit à Moïse au sujet de son peuple lors de cette rencontre: « J’ai vu […], et j’ai entendu […] Oui, je sais ce qu’il souffre » (Ex 3.7). Dieu est au-dessus de nous… mais il est aussi au milieu de nous. Nous ne pourrons apprécier à juste titre le fait qu’il soit « parmi nous » si nous n’éprouvons pas d’abord une profonde crainte respectueuse du fait qu’il est « au-dessus de nous ». Même si son peuple ne ressent pas sa présence auprès de lui, Dieu est bel et bien présent. Assez présent pour voir, pour entendre et pour savoir ce qu’il souffre. La plupart d’entre nous avons connu un jour ou l’autre la sensation d’être oubliés par un Dieu devenu distant, et c’est peut-être ce que vous vivez aujourd’hui. Vous criez dans votre souffrance, tout comme les Israélites (v. 7-9). Et vous avez le sentiment, comme eux sans doute, que Dieu n’entend pas, qu’il est indifférent.
Cependant, Dieu l’affirme: « J’ai vu, j’ai entendu, je sais ». Et bien plus encore, il dit: « Je suis descendu » (v. 8). Dieu ne prend jamais de vacances. Il s’est retroussé les manches et va intervenir directement dans l’histoire de son peuple. Il va sauver Israël et le conduire « vers un bon et vaste pays, un pays ruisselant de lait et de miel », comme il l’avait promis (v. 8). Dieu est présent, au milieu de nous. En théologie, c’est ce qu’on appelle « l’immanence ». Lorsque les gens se créent leur propre définition de Dieu, ils le représentent de manière soit purement transcendante, soit purement immanente. Les dieux de l’islam et du déisme sont complètement transcendants. Bon nombre de nos contemporains, en Occident, sont en réalité déistes: ils croient en un Dieu qui n’affecte d’aucune manière leur existence. À les croire, Dieu ne voit rien, n’entend rien, se désintéresse de tout et n’est jamais descendu sur la terre.
Par contre, les dieux du mysticisme, du soufisme et des religions orientales sont tous dans l’immanence. Ces croyances enseignent que Dieu serait en nous, et que, d’une manière ou d’une autre, toute chose possède en soi quelque chose de la divinité (ce qui expliquerait la grande popularité de ces religions auprès des Occidentaux, élevés dans le déisme). Toutefois, le Dieu qui est, le Dieu qui s’est révélé à Moïse, est à la fois au-dessus de nous et au milieu de nous. Il convient d’aborder rapidement une question en lien avec le verset 2. Le texte dit: « l’ange de l’Éternel lui apparut »; mais il est dit ensuite que c’est Dieu qui parle à Moïse (v. 4-7). Dans l’Ancien Testament, « l’Ange de l’Éternel » se distingue parfois clairement de Dieu (voir par exemple 2 S 24.16) alors qu’ailleurs, comme ici dans ce texte, il semble être synonyme de Dieu lui-même. Les théologiens ont souvent considéré cet « Ange de l’Éternel » comme une référence à Jésus, qui, selon les termes de Jean 1.1, était dès le commencement « avec Dieu » et en même temps « était Dieu ».
En Jésus, Dieu est « descendu » pour être « Emmanuel », Dieu avec nous (Mt 1.23). Mais les choses se compliquent pour Moïse en Ex 3.10: « Va donc maintenant: je t’envoie vers le pharaon, pour que tu fasses sortir d’Égypte les Israélites, mon peuple ». Lorsque nous faisons face à un problème, nous ne souhaitons entendre qu’une seule chose de la part de Dieu: qu’il nous dise: « J’ai vu, j’ai entendu, je sais. » Malheureusement, nous ne l’entendons pas prononcer ces paroles, car il ajoute parfois: « Va! Je t’envoie! » Bien souvent, Dieu nous demande d’être la solution au problème. Sommes-nous en mesure d’entendre un tel message?
webinaire
Si Dieu est bon, pourquoi autant de mal?
Découvre le replay de ce webinaire de Guillaume Bignon, enregistré le 11 décembre 2018, qui traite de la souveraineté et la bienveillance de Dieu.
Orateurs
G. Bignon