Pourquoi la Bible est-elle si peu prêchée dans tant d'Églises?

Prédication et enseignement

“En tant que prédicateur, tu fais bien de baser ton sermon sur la Bible, mais arrange-toi pour passer rapidement aux choses pertinentes, ou les gens vont commencer à décrocher.”

Cette phrase, étonnamment claire, reflète l’une des caractéristiques les plus surprenantes, tragiques et déplorables du christianisme d’aujourd’hui: notre impatience à l’égard de la Parole de Dieu. La phrase ci-dessus est issue de l’essai Yawning at the Word [Quand la Bible nous fait bâiller] de Mark Galli, directeur de publication et rédacteur en chef de Christianity Today. Quelques centaines de mots lui suffisent pour dresser un tableau alarmant de l’impatience et de la résistance grandissantes de l’Église à l’égard de la Bible lorsqu’elle est lue et prêchée. Peut-être la description de ses expériences récentes vous tirera-t-elle une grimace, mais force est de reconnaître les accents de vérité qui s’en dégagent.

On a demandé à Galli de réduire le nombre de références bibliques qu’il citait dans ses sermons. “Vous allez perdre des gens” l’a averti l’équipe des responsables travaillant à plein temps au sein de l’Église. Lors d’une étude biblique sur le thème de la création, l’enseignant a été sommé de se préparer à répondre aux questions lors de l’étude du dimanche suivant, au lieu de lire les textes des Écritures qui appuient cette doctrine. Réduire le nombre de versets bibliques “ferait gagner du temps et, ces propos le sous-entendaient fortement, serait plus à même de capter l’attention du public”.

D’après Galli, “ceux qui ont souvent l’occasion de prêcher ou d’enseigner savent qu’il ne s’agit pas d’exemples isolés, mais d’un phénomène très répandu”.

En effet, nombreuses sont les Églises où la Bible est très peu lue lors du culte et où les sermons se caractérisent par une attention portée sur les préoccupations de l’assemblée et pas suffisamment sur le texte biblique. L’enseignement de la Bible a été remplacé par les préoccupations, réelles ou supposées, des auditeurs. L’autorité de la Bible est désormais supplantée par celle qu’imposent les préoccupations de l’assemblée.

Mark Galli le décrit ainsi:

On n’a cessé de nous rabâcher que nous vivons dans une époque individualiste où nous sommes obnubilés par nos besoins, nos désirs, nos souhaits et nos espoirs, aux dépens des autres et certainement aux dépens de Dieu. Nous n’aimons pas quand un professeur développe son enseignement pendant tout le cours, même s’il s’agit d’un enseignement tiré de la Bible. Nous voulons avoir le temps de poser les questions qui concernent nos propres préoccupations; dans le cas contraire, nous avons l’impression d’être pris de haut ou nous pensons que le cours n’est pas adapté à ce que nous vivons.

Et Galli continue:

En tant que prédicateur, tu fais bien de baser ton sermon sur la Bible, mais arrange-toi pour arriver rapidement aux choses pertinentes, ou les gens vont commencer à décrocher. Ne passe pas trop de temps sur la Bible mais parle des illustrations personnelles, des exemples de la vie de tous les jours et, surtout, des applications qui peuvent nous être utiles. Voilà ce que nous demandons à nos prédicateurs.

La Parole est ainsi écartée et réduite au silence. Cela est dû en majeure partie au fait que nous nous focalisons sur nos propres besoins. Au niveau individuel, chaque être humain est porteur d’un amalgame de désirs, de besoins, d’intuitions, d’intérêts et de distractions qui le caractérisent. Au niveau collectif, l’assemblée est donc constituée d’une foule d’expectatives, d’espoirs fous, de peurs dévorantes, de désirs ardents. S’ils ne sont pas contrecarrés par la Parole de Dieu, lue et prêchée avec authenticité, ils mèneront à une pratique thérapeutique collective, à la recherche du divertissement et à une perte de temps, si ce n’est pire.

Cette situation est très présente dans l’esprit de Galli lorsqu’il affirme que de nombreuses congrégations attendent du prédicateur qu’il commence avec un texte de la Bible, mais qu’il passe ensuite rapidement “aux choses qui nous intéressent vraiment”. Par exemple… nous-mêmes?

En Néhémie 8.1-8, nous trouvons l’un des exemples les plus anciens de ce que nous appellerions la prédication de la Parole:

Alors tout le peuple s’assembla comme un seul homme sur la place qui est devant la porte des Eaux. Ils dirent à Esdras, le scribe, d’apporter le livre de la loi de Moïse, prescrite par l’Éternel à Israël. Le sacrificateur Esdras apporta la loi devant l’assemblée, composée d’hommes et de femmes et de tous ceux qui comprenaient ce qu’ils entendaient.

C’était le premier jour du septième mois. Il lut dans le livre depuis le matin jusqu’au milieu du jour, devant la place qui est en face de la porte des Eaux, en présence des hommes, des femmes et de ceux qui comprenaient. Tout le peuple était attentif à la lecture du livre de la loi. Esdras, le scribe, était placé sur une estrade de bois, dressée à cette occasion. Auprès de lui, à sa droite, se tenaient Mattitia, Chéma, Anaya, Urie, Hilqiya et Maaséya, et à sa gauche, Pedaya, Mikaël, Malkiya, Hachoum, Hachbaddana, Zacharie et Mechoullam.

Esdras ouvrit le livre à la vue de tout le peuple, car il se trouvait plus haut que tout le peuple; et lorsqu’il l’eut ouvert, tout le peuple se tint debout. Esdras bénit l’Éternel, le grand Dieu, et tout le peuple répondit, en levant les mains: Amen! amen! Ils s’inclinèrent et se prosternèrent devant l’Éternel, la face contre terre. Josué, Bani, Chérébia, Yamîn, Aqqoub, Chabbethaï, Hodiya, Maaséya, Qelita, Azaria, Yozabad, Hanân, Pelaya et les Lévites, faisaient comprendre la loi au peuple, et le peuple restait debout. Ils lisaient distinctement dans le livre de la loi de Dieu et ils en donnaient le sens pour faire comprendre ce qu’ils avaient lu.

Esdras et ses compagnons se tenaient debout sur une plateforme devant l’assemblée. Ils lisaient distinctement le texte des Écritures et expliquaient ensuite ce qu’il signifiait au peuple. L’assemblée, debout, recevait humblement la Parole. Cet exemple est très simple à comprendre: la Bible était lue, expliquée et reçue.

Hugues Oliphant Old commente:

La lecture du livre de la loi telle qu’elle est relatée ici montre que déjà à l’époque où le texte a été écrit, de nombreuses lois cérémonielles encadraient la lecture publique des Écritures. Elles sont une preuve de l’autorité de la Bible. Le contexte était celui d’un culte: la Parole de Dieu était lue et exposée tandis que le peuple écoutait. L’objectif du sermon était simple: « Faire comprendre ce qui était lu. »

Dans de nombreuses Églises, la Parole de Dieu n’est quasiment pas lue publiquement. Dans les cultes, il y a abondance de chants et de musique, mais l’assemblée ne semble pas voir d’intérêt à écouter la Bible. Nous sommes certes appelés à chanter des chants d’adoration, mais l’assemblée ne peut pas vivre uniquement des quelques fragments de la Parole repris par les chants et les cantiques.

Les chrétiens ont besoin du ministère de la Parole. La Bible doit être lue devant l’assemblée pour que tous ceux qui forment le peuple de Dieu –qu’ils soient jeunes ou vieux, riches ou pauvres, mariés ou non, malades ou en bonne santé– l’entendent ensemble. Le sermon doit correspondre à l’exposition de la Parole de Dieu, lue, expliquée et appliquée de manière puissante et fidèle. Prendre un texte biblique comme point de départ du sermon ne suffit pas.

Comment est-il possible que tant d’Églises fassent preuve aujourd’hui de ce qu’il faut bien qualifier d’impatience envers la Parole de Dieu? La Bible est claire à ce sujet: négliger la Parole ne peut mener qu’au désastre, à la désobéissance et à la mort. C’est uniquement par sa Parole que Dieu préserve son Église de l’erreur, la garde dans sa vérité et en fait un témoin fidèle; pas par une auto-étude collective.

Finalement, cette impatience envers la Parole de Dieu s’explique par une impatience envers Dieu lui-même. Tous autant que nous sommes, que ce soit au niveau individuel ou collectif, nous négligeons la Parole de Dieu, pour notre propre perte.

Comme l’a dit Jésus lui-même: “Que celui qui a des oreilles entende.”

Dr. R. Albert Mohler

Albert Mohler est président du Southern Baptist Theological Seminary, l'une des plus grandes écoles de théologie au monde. Théologien d'influence, cité dans de nombreux médias, il est auteur de plusieurs ouvrages et publie régulièrement des article sur son blog et sur twitter.

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D. Angers