LIVRE: Les Églises baptistes, un protestantisme alternatif

Histoire de l’Église

Les Églises baptistes, 400 ans déjà. Passage d’une poignée de croyants persécutés à l’une des branches les plus importantes du protestantisme… Les Églises baptistes, un protestantisme alternatif (Étienne Lhermenault dir.), se propose de nous dresser un portrait de l’identité du mouvement.

Quatre parties – historique, théologie et éthique, Église et culte, les droits de l’homme – qui, à mon sens, ne se valent pas toutes.  

Les sources du baptisme en Europe, puis l’extension du mouvement aux Etats-Unis, sont traitées de façon plutôt satisfaisante. En revanche, l’histoire des baptistes en France est une déception. Ce n’est pas très passionnant, ça a un air de successions de généalogies… Je suis peut-être plus exigeante dans ce domaine que dans un autre! Toutefois, je ne connais pas d’équivalent pour découvrir autant de figures baptistes françaises.

« Ce que croient les baptistes » (chapitre 2) est un point fort de l’ouvrage. Après avoir rappelé avec Walter Rauschenbusch, que les baptistes partagent les croyances fondamentales des autres chrétiens, les convictions baptistes sont abordées de façon claire et précise.

Au sujet des questions d’éthique (chapitre 3), c’est très pertinent d’avoir émis les facteurs de décision qui sont ceux des baptistes à chaque fois qu’un choix est à faire (on aurait pu tomber dans un catalogue de ce en quoi sont favorables ou non les baptistes). Trois paramètres sont retenus: Jésus est Seigneur dans la communauté de foi, l’éthique chrétienne, c’est donc vivre comme Jésus le désire (1). « Mais qui est Jésus-Christ? […] Toutes sortes de personnes se sont fait un Christ à leur image. […] Jésus qui est le Seigneur est celui dont les Ecritures rendent témoignage et non un personnage que l’individu se façonnerait pour lui-même. […] Ainsi, la Bible est indispensable aux baptistes pour prendre des décisions éthiques (2) » (p. 98), s’ajoute la nécessité de dialoguer et de discerner au sein de la communauté des croyants, à l’écoute de l’Esprit (3).

« Les baptistes et le culte » (chapitre 4) présente les caractéristiques principaux d’un culte baptiste. J’ai particulièrement aimé l’encadré « le culte baptiste, rite ou relation? ». Il n’y a pas de développement précis  sur le rite de célébration du culte dans le Nouveau Testament. « Nous interprétons ce « silence » comme un signe fort. Le culte chrétien n’est ni réductible à du rituel, ni même conditionné par du rituel. La foi au Christ revendique même un culte d’une autre nature. » (p. 114). Mais, « le lecteur baptiste (ou évangélique) voudra bien ne pas réduire cette référence au rite aux questions pratiques dites « liturgiques ». La liturgie peut être source d’authentiques relations, tant à Dieu qu’au prochain, et un culte en apparence « non-liturgique » être en réalité profondément ritualiste. Nous parlons de rite quand le lieu, le temps, le cérémoniel, suffisent en eux-mêmes. » (p. 115). A méditer dans nos assemblées…

Quant à la dernière partie, « les droits de l’homme pour tous », bravo pour la section «nous sommes responsables de ce que nous savons ». Les chrétiens doivent s’engager contre les injustices sans virer dans une vision de l’humanité édulcorée. Pas toujours facile d’exprimer l’articulation entre ce que nous apprenons chaque jour de la situation dans le monde et ce que nous connaissons de Dieu. « La situation de notre société résulte directement de la nature égoïste de l’être humain, ainsi, les problèmes rencontrés sont la conséquences des agissements humains, qui, avec orgueil et arrogance, se sont arrogés la divinité; […] ils ont dédaigné le jardin de la nature dans lequel Dieu les avait placés. Pourtant la résurrection de Jésus est une preuve pour les chrétiens que Dieu n’a pas abandonné sa création. » (p. 146)  De même, la section « défense des droits de l’homme et/ou évangélisation?» vaut le coup d’être lue à l’ère de la multiplication des projets humanitaires/solidaires. Dommage cependant pour les développements sur l’histoire générale des droits de l’homme qui alourdissent le chapitre…

Quelques passages que j’ai trouvés particulièrement éclairants

C’est le baptême par immersion de professant qui a valu aux baptistes leur nom. Il y a des aspects de cette pratique qu’on connaît assez bien comme la symbolique de l’eau, celle de la mort à l’ancienne vie et de la résurrection à la nouvelle… Mais, cette phrase m’a interpellée, je n’avais jamais entendu cela si franchement: « En dépit de l’édulcoration du rite par l’utilisation d’eau chaude pour le baptême, mais aussi de serviettes, de baptistère confortable et de bons éclairages, l’immersion, acte déplaisant et humiliant, rappelle l’offense de la croix et le fait qu’il va à l’encontre des désirs naturels de l’homme. » (p. 85) Je peux vous raconter une petite anecdote: le ballon d’eau chaude était en panne le jour de mon baptême, et je me revois comme si c’était hier dire à mes colocs que c’était très agréable au regard de la douche du matin, elles étaient presque jalouses!

Louis Schweitzer est très juste dans sa description d’une vie à la suite de Jésus, je trouve: « L’éthique de Jésus se présente à nous comme toujours tendue entre d’une part l’exigence, le rappel de la perfection de la volonté de Dieu, qui nous paraît souvent inaccessible et d’autre part, la miséricorde dont il fait preuve envers le pécheur. Nous sommes alors toujours tentés de glisser sur les deux pentes inverses, le légalisme qui fait de l’éthique un chemin de mérite, et le laxisme qui, au nom de l’amour, refuse d’appeler le mal le mal. […] » (p. 102)

Sujet d’actualité: l’Église doit-elle faire entendre ses prises de position dans la société et les débats qui l’agitent? « L’action politique, qu’on pourrait définir comme une forme d’amour qui cherche à établir la justice en faveur des opprimés, est un prolongement légitime de l’insistance biblique sur les actions pratiques de l’amour. […] Le discernement auquel nous pouvons parvenir, dans la mesure où nous le recevons de Christ par la Révélation, s’enracine dans l’ordre de la création dont il est le pivot (Col 1.16) et à ce titre intéresse la communauté humaine dans laquelle nous évoluons, même si elle renâcle à le prendre en considération. » C’est ce qu’Étienne Lhermenault nomme le rôle prophétique de l’Église  (p. 105).

On le recommande?

Plus que d’habitude, tout dépend de ce que vous cherchez. Le livre vous est destiné si vous avez besoin d’un développement organisé et précis sur le sujet (pour un écrit…), ou encore si vraiment vous êtes néophyte en la matière (vous n’avez jamais mis les pieds dans une église baptiste ou juste une fois et cela vous a intrigué…). Sinon, quand on baigne dedans, on n’apprend pas énormément…

Je signale au passage que la FEEBF a mis en ligne de courtes vidéos qui nous renseignent aussi bien, en particulier celle d’Alain Nisus et de Louis Schweitzer.

Myriam J.

Myriam a fait une licence d'histoire à la Sorbonne. Elle a été une contributrice régulière au site TPSG durant plusieurs années.

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